En lutte contre la surchauffe et les inondations, les villes tentent de déminéraliser les sols au maximum.
Adieu asphalte, béton, … Bonjour verdure ! L’usage montre qu’avec les pelouses, le résultat n’est pas toujours aussi performant qu’attendu. La pénurie d’eau vient jouer le grain de sable dans les rouages du processus de végétalisation.
Des plantes
Pour survivre en temps de canicule, une pelouse a besoin d’être arrosée (la polémique enfle d’ailleurs chaque été autour des terrains de golf). Or, canicule est synonyme d’abord de sécheresse puis de manque d’eau. L’arrosage devient incompatible avec une gestion responsable des ressources. La pelouse meurt, le sol durcit. L’efficacité du système périclite.
La ville de Bordeaux est bien consciente du phénomène et ses études de consommation ont conforté le constat. Même la variété rustique de gazon utilisée pour les 35 km de voies de tram doit être arrosée. En 2022, la consommation d’eau s’est élevée à 152 000 m³, soit pas loin de 4,5 m³ par mètre courant. Le bilan écologique n’est plus équitable et une alternative s’avère indispensable bien que :
- cet engazonnement rend des services en termes d’esthétique, de fraîcheur, de bilan carbone et d’amortissement acoustique;
- en 2023, une réflexion sur les séquences d’arrosage et le matériel a déjà permis de diminuer de moitié le gaspillage.
La solution se trouve dans le choix des essences. Leur sélection prend en compte des critères tels que la résistance, la croissance, le port, la rusticité, la biodiversité, l’entretien, ...
Qui pourrait imaginer que soient plantés entre les voies du tram du thym, de la camomille, du dichondra, de la turquette, du gazon des Mascareignes et même du chiendent ? L’ensemble constitue pourtant un couvre-sol varié tant au point de vue de la couleur, que des formes, des textures et des fleurs, capable d’attirer plus d’insectes que le monotone gazon et ce, avec très peu d’eau car ces plantes conviennent parfaitement pour des zones arides.
Ce tapis végétal d’un nouveau genre a été mis en oeuvre au printemps 2024 sur 2 lignes tests qui seront étudiées pendant 2 ans avant de décider de changer ou non le type de végétalisation sur l’ensemble du réseau engazonné.
Bordeaux remplace l’herbe des tramways par du thym et de la camomille https://t.co/HCOVtuuof7
— POSITIVR (@ThePOSITIVR) March 8, 2024
Un regard
La réussite d'un tel projet tient aussi à l'évolution du regard sur les zones verdurées. Elle nécessite un travail de sensibilisation du grand public pour voir (et accepter) un environnement différent.
Et qu’en est-il de la végétation spontanée ? Le blog demain la ville de Bouygues Immobilier aborde régulièrement la question. N’hésitez pas à lire l’article via le lien du post ci-dessous.
À la faveur des politiques de végétalisation des villes, un regain d’intérêt émerge pour la « végétation spontanée », ces fleurs sauvages et adventices qui poussent le long des trottoirs et bâtiments
— Demain la Ville (@Demain_la_Ville) March 29, 2022
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Une relation généreuse et profonde avec la nature passe par les sens : observer, toucher, sentir, gouter, ... Récemment, la pelouse du château de Seneffe (Belgique) était si blanche de pâquerettes qu’on l’aurait crue enneigée. Une expérience visuelle inoubliable.
Mettre en place une nouvelle dynamique végétale riche en écosystèmes et en biodiversité ne se fera pas en un jour. Le mouvement est en route.
- Bruxelles Environnement a rappelé récemment sa « Liste d’espèces indigènes ou adaptées à l’environnement local et non envahissantes, susceptibles d’être plantées aux abords des bâtiments en milieu urbain et suburbain » (INFOFICHE 2017 - Espèces végétales indigènes et conseillées).
- Des livres sont consacrés aux herbes folles comme le guide d’identification « Qu'est-ce qui pousse dans ma rue ? » d’Alexandra-Maria Klein (Ecologue) et Julia Krohmer (Docteur en botanique) pour démystifier le sujet.
Qui verra dans le bouton d'or un trésor ? Quand la dentelle d’une herbe à Robert suscitera-t-elle une émotion autre qu’assassine ? Qui a envoyé cette graine de myosotis pour dire « Ne m’oublie pas ... » ? Faut-il évoquer un doux souvenir ou arracher celui qui tape l'incruste au pied d’une façade ?
Une attitude
Et puis, il y a ceux qui aiment jouer la tendance sans l’engagement. Un subtil effet greenwashing ?
Ces baskets, brodés à la main (pas moins !) d'un raphia vert frémissant à chaque pas telle une pelouse sous une brise taquine, conviendront parfaitement à l'affichage de leurs convictions.
Loewe releases grass-covered canvas trainers for spring https://t.co/bD6nEYrDFN
— Dezeen (@dezeen) February 22, 2023
Pour aider la ville, le thym sous le tram embaume. Les abeilles bourdonnent.
Sources :
- « How to Adapt Cities to Extreme Heat », Marília Matoso (traduction : Diogo Simões), 18/04/2024, www.archdaily.com
- « Bordeaux remplace l’herbe des tramways par du thym et de la camomille », Lisa Guinot, 08/03/2024 (mise à jour 14/03/2024), positivr.fr
- « Faut-il laisser les mauvaises herbes envahir les villes ? », Les Horizons, 22/03/2022, www.demainlaville.com
- « Espèces végétales indigènes et conseillées (infofiche 2017) », Bruxelles Environnement, document.environnement.brussels
- « Loewe releases grass-covered canvas trainers for spring », James Parkes, 22/02/2023, dezeen.com
- « Urban Spaces for an Overheated Planet », Camilla Ghisleni (traduction : Diogo Simões), 12/12/2023, www.archdaily.com
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