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Elles sont appelées maisons clous (nail houses) parce qu’elles sont plantées comme un clou dans le paysage.

En fait, elles ont toujours été là, c’est le paysage qui a changé.

Cette particularité urbanistique qui refait surface régulièrement sur les réseaux sociaux est souvent illustrée par des exemples chinois. Une maison perdue au milieu d’un vaste chantier, une autre incrustée dans une autoroute.

La situation prête à sourire, et pourtant … La vie des occupants est juste devenue un enfer. Lorsque ces réaménagements urbanistiques ont été décidés, les propriétaires ont été contactés pour le rachat de leur bien. Ceux-là n’ont pas voulu vendre : offre considérée comme insuffisante ou attachement sentimental à la maison familiale. Ils sont restés sur le site comme des irréductibles gaulois. Leur refus n’a pas pour autant arrêté la promotion immobilière. Leur détermination n’a pas vacillé et les voici coupés de tout, entourés de hauts murs.

La Chine n’a pas l’exclusivité du phénomène. Cette anomalie urbanistique s’est aussi présentée en Europe ou aux Etats-Unis.

Luxembourg

Au Grand-Duché de Luxembourg, en 2015, un immeuble toujours occupé s’est retrouvé très solitaire dans un îlot en plein réaménagement. Bienvenue au centre-ville de Luxembourg où sur le boulevard Royal un bloc entier de bâtiments a été rasé à l’exception de ce vieux bâtiment. Complètement isolé sur trois façades, il est heureusement rattaché au boulevard par la quatrième qui garantit son accessibilité. 

Alors qu’ils n’y habitent pas, deux des propriétaires se sont opposés au projet et à la démolition. Comme la loi luxembourgeoise requiert un accord unanime, l’indésirable s’impose comme un clou dans le projet Royal-Hamilius, un vaste complexe mixte de logements, bureaux, commerces, … Le dépit des autres co-propriétaires est grand car ils estiment avoir subi une importante perte financière. Ils (ou leurs locataires) ont aussi été au premier plan pour suivre l’avancement du chantier et en subir les désagréments.

Une fois le projet finalisé, seules demeurent une rupture visuelle et une grande amertume.

Zurich

En Suisse à Zurich, cette maison ouvrière datant de 1890 a résisté vaillamment jusqu’en 2016 au réaménagement du quartier. Elle faisait partie d’un ensemble de logements pour les ouvriers de la société Escher Wyss, une usine de machines proche. Elle a survécu à la disparition des activités industrielles et s’est plantée comme une épine dans la reconversion du quartier en activités tertiaires (bureaux, hôtels, espaces culturels, restaurants, ...) lorsque se sont progressivement construits de hauts immeubles.

Face au refus des propriétaires de vendre leur bien, une procédure d’expropriation a été lancée. L’affaire a été portée devant les tribunaux. Il a quand-même fallu plus de 15 ans avant que la démolition ne devienne effective. 

Londres

A Londres, c’est une petite bijouterie qui a perturbé l’agrandissement du grand magasin Wickhams sur Mile End Road en 1927. La famille Spiegelhalter a refusé de vendre sa parcelle et les concepteurs n’ont eu d’autre choix que de construire autour, brisant l’unité de la façade d’une brèche inélégante. La situation a perduré. Le magasin a fermé en 1960 et la bijouterie n’a été vendue que dans les années 80.

Le site a fait récemment l’objet d’une rénovation pour lui rendre son lustre d’antan. Il sera consacré à un usage combiné de commerces et bureaux. Les architectes du bureau Buckley Gray Yeoman amusés par l’histoire ont décidé d’en garder visuellement la trace. Dans une empreinte visuelle forte, la parcelle, toujours en rupture sur la façade, est devenue un lumineux atrium qui accueillera désormais tous les visiteurs.

New-York

A New-York, et notamment dans l’Upper East Side, il existe plusieurs exemples de ces bâtiments qui ont résisté aux assauts des bulldozers. Leur état de conservation et leur valeur architecturale varient mais tous ont aujourd’hui en commun d’être pris en sandwich entre des gratte-ciel que ce soient la maison pour la fraternité Delta Phi de l'Université de Columbia construite en 1906, des maisons pour l’élite millionnaire construites au 19e siècle ou encore ce petit immeuble à appartements.

Même si le phénomène reste rare, les promoteurs ne sont pas à l’abri d’être confrontés encore actuellement à de semblables situations. Et, lorsque toutes les négociations ont échoué, il ne reste que les clous ...

 

 

Sources :
- « Maison clou », fr.wikipedia.org
- «"Je ne comprends pas pourquoi nous sommes encore là"», Sophie Wiessler, 19/02/2016, www.virgule.lu
- « Turbinenstrasse 12/14: Wie Zürich ein altes Arbeiterhaus dem Wandel opferte », Ueli Abt, www.hellozurich.ch
- « Dept W Store / BuckleyGrayYeoman », Paula Pintos, 01/01/2021, www.archdaily.com
- « Posts Tagged ‘Upper East Side Holdout Buildings’ », 22/05/2023, ephemeralnewyork.wordpress.com
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